AIMER | ATTENDRE
Au premier décembre 2021, 69.992 personnes sont en détention en France, soit plus du double que quarante ans plus tôt. Une incarcération affecte non seulement la personne détenue, mais aussi sa famille et son entourage. Selon les conventions Européennes, une incarcération est une privation de liberté et ne devrait pas être une privation du droit à la vie familiale (Art. 8 de la convention Européenne des droits de l’homme). Pourtant, des peines purgées dans des centres pénitentiaires souvent excentrés et loin de ses proches, mettent la famille à l’épreuve.
Dans Aimer | Attendre, je photographie le hors champ de l’incarcération pour mettre en avant les familles, si souvent oubliés des discours sur la prison. Que devient la famille lorsqu’elle est éclatée ? Comment s’aime-t-on à travers la distance imposée d’une incarcération ?
À la maison Arc en Ciel, un lieu d’accueil géré par l’association Brin de Soleil à Rennes, j’éclaire et mets en scènes des photographies de ceux et celles qui viennent de loin rendre visite à un proche en prison. Une chambre coûte 12€ la nuit, 14 si l’on est deux. L’hôtel associatif est une prolongation de la parenthèse du parloir : un sas entre l’expérience extra-carcérale qu’est le parloir et le retour chez soi. Les photographies sont la partie émergée d’un long travail, fait de rencontres lors desquelles les proches partagent une expérience souvent douloureuse, rarement partagée. Je recueille ces témoignages et en fais des collages simples dans la forme de lieux clos et poreux à la fois. Les mots, devenus éparses, planent d’une image à l’autre. Les photographies rendent compte d’un quotidien gracieux et douloureux à la fois, avec pudeur, des personnages plein de mystères, et des images graphiquement simples et émotionnellement complexes. Mon travail s’inspire du peintre Edward Hopper, dont les peintures sont porteuses des mêmes thèmes (l’attente, la promesse, l’espoir, la solitude), des calligrammes d’Apollinaire, et des films entre documentaire et fiction d’Errol Morris.
Ce projet a été rendu possible par la bourse SCAM Brouillon d’un Rêve, publié dans Libération, et exposé au Jeu de Paume de Rennes à l’occasion des Journées Nationales des Prisons en Novembre 2022.
LOVING STILL
When a prison sentence is issued, the entire family suffers.
“It’s like we’re sentenced too,” says Marine Morillon. She travels an hour and a half on her day off every Sunday to visit her boyfriend, incarcerated at Rennes Vezin’s prison for men in the North of France. At the Rainbow House, a small hotel in the North of France, people come from all over country to visit incarcerated loved ones.
The French inmate population has multiplied by 2.3 in the last forty years alone. Today, there are 68,500 incarcerated persons in France, most of whom are parents, husbands, wives, partners, siblings. Incarceration is a privation of liberty, and experts say it should not result in a privation of parenthood and partnership. Yet, long sentences served in prisons often faraway from home weigh on relationships.
*Financing by the SCAM Bourse Brouillon d'un Rêve